-« Accepte-la.

- Non, non, non…

- Prend la, accepte son héritage, mon héritage…

- Mais vous ne pouvez pas mourir, qu’est-ce que je ferais sans vous ?

- Ha ha… son maître fut prit de toue qui le laissa la respiration sifflante. Dois-je te rappeler le jeune garçon à moitié sauvage que j’ai rencontré il n’y a pas si longtemps ? »

Snae laissa échapper un rire triste :

-« C’est du passé, du passé et puis… les voix vont revenir… c’est vous qui m’avez sauvé vous ne pouvez pas partir…

- Je ne meurs pas vraiment. Odin… Odin m’attend en sa demeure pour festoyer. »

Un sourire avait fleurit sur ses lèvres alors qu’il prononçait ces mots. Sa main tremblait dans celle de son élève :

-« Cherche… cherche le domaine d’Asgard, je t’ai déjà tout dit sur cet endroit…

- Mais, ce sont eux qui…

-Paix. Va là-bas avec le regard vierge de toute haine… fait le… ils sauront t’aider… »

Un silence pesant d’établit, seulement troublé par le souffle irrégulier du maître. Il tourna lentement la tête vers son élève qui lui avait le front contre la main qu’il serrait entre les siennes et qui tentait de retenir coûte que coûte ses larmes :

-«  La guerre est en marche et tu y sera bientôt confronté… Snae, tu es prêt alors porte la avec fierté… Il reprit lentement son souffle, j’ai toujours été fière de toi… »

Le jeune homme releva brusquement la tête, eut un moment d’arrêt sur les traits de son maître et ne tint plus. Ces larmes étaient chaudes contre sa peau glacée alors qu’il croisait lentement les bras de son mentor sur sa poitrine et c’est ainsi, le visage en paix, qu’un géant s’éteignit. La lumière qu’il semblait porter s’effaça et laissa place à l’obscurité. Snaeringur détourna le regard vers la boîte qui contenait l’armure et ressentit une sensation de malaise profond, il sentit des crocs se refermer autour de sa gorge, un rire sinistre s’éleva et tout contre son oreille il sentit un air chaud et putride lui murmurer lentement que désormais il était seul.

Il se réveilla en sursaut. Le cœur battant à tout rompre et en sueur :

-« La douleur a un goût amère…

- Ferme-la. »

Seul un grand vide lui répondit et il prit sa tête entre ses mains. Il était faible. Tellement misérable, incapable de résister à cette présence qui poussait toujours plus loin en lui et qui prenait progressivement le pas sur son esprit. Cela faisait maintenant plus de six mois que son maître avait disparu et seulement deux qu’il était ici à Asgard. Il avait longuement hésité avant de partir d’Islande. Savoir qu’il ne reverrait peut-être jamais ses terres lui avait écorché le moral, il partait d’un endroit qu’il chérissait pour un endroit inconnu, hostile, qui accueillait les traitres qui avaient banni son mentor. Certes, lui n’avait jamais employé de tel propos, car il ne cessait de dire que son châtiment était clément face à ses crimes et qu’il aimait Asgard, mais Snae avait compris depuis longtemps et vouait pour ces gens une véritable haine. Ce sont eux qui l’avaient tué, il était mort seul, en exil de sa terre de cœur… en misérable avec pour seul compagnie un gamin à moitié fou… Snae c’était toujours considéré ainsi, fou. Il savait que c’était cette voix qui l’avait privé de sa famille, ainsi que celles qui avaient suivies. Aucune ne voulait plus de lui et bientôt on le laissa se perdre dans les rouages du système jusqu'à l’oublier complètement. Il avait eu (toujours aujourd’hui) honte et c’était enfui. Habitant tout d’abords avec les quelques clochards qui vivaient dans la banlieue de Reykjavik, très tôt eux aussi l’avaient rejeté et il avait commencé à errer de village en village. Souvent il s’était perdu et retrouvé coincé dans des endroits où n’importe quel humain sensé ne s’attarderait pas plus de cinq minutes. Et pourtant… c’était là où il se sentait à sa place. La température presque polaire allait en adéquation avec son corps qui la supportait parfaitement, il réussissait à pêcher dans les petits torrents qui, frétillant de vie,  traversaient joyeusement les plaines, il avait apprit également à se trouver un refuge lors des grandes tempêtes, à chasser, à s’orienter lors des jours où la nuit était maîtresse… s’il vivait ainsi, s’il avait survécu c’était grâce à la Voix. Elle lui disait à quel moment se réfugier, vers où aller… il s’était laissé aller à la Voix qui, désormais, s’exprimait haute et claire, empruntant de plus en plus souvent les vocalises du petit garçon les rendant rauques, graves… elle occupait aussi son corps, volant ses mouvements et le transformant progressivement en bête sauvage. C’est ainsi que le maître le trouva. Prostré dans une cavité de glace mangeant les restes encore crus d’un lapin. Il l’avait emmené avec lui, l’avait habillé, nourrit, lui avait demandé s’il voulait qu’il l’aide à chasser cette voix… Snaeringur avait longtemps hésité avant d’accepter d’un timide hochement de tête, aussitôt le maître l’avait vu changer et c’est avec un regard assassin que la Voix lui avait parlé, lui disant qu’il ne pourrait jamais la faire disparaître, seulement l’enterrer un temps et que, lorsqu’elle reviendra, elle sera encore plus puissante et ne se séparera plus jamais de son hôte. Le Maître avait simplement sourit  et lui avait dit « c’est ce que nous verrons… »

Et depuis ce moment la Voix ne s’était plus jamais montré. Le Maître commença à l’entraîner, le fortifiant autant sur le plan physique et mental, il n’était pas doux avec lui et jamais il ne l’avait sous-estimé. C’était ce qu’avait eu besoin toute sa vie Snaeringur et bientôt il le considéra comme le père qu’il n’avait jamais eu et s’acharnait à la tâche. Chacun de ses os fut brisés, mis en pièce, réduit en bouillit pour en ressortir plus dur que l’acier, mais la force étant une chose Snae se concentra surtout sur sa vitesse et sa capacité au combat rapproché. Progressivement il acquit la technique du Loup Fenrir et le maître devait bien avouer qu’acquérir cette technique en aussi peu de temps relevait presque du miracle !

Mais ce temps était bel et bien révolu. Son mentor était mort, on l’avait dépossédé de son armure à peine eut-il posé un pied sur la terre d’Asgard et désormais il vivait seul dans une des forêts glacées que comportait le territoire. Il avait rencontré de nombreux autres gardiens et la plupart semblait ne penser qu’avec leurs muscles « Nous pouvons les déchirer… » Il ferma fortement les yeux, il devait à tout prix la contenir « Bientôt nous serons de nouveau réunis… » il voulait qu’elle cesse, qu’elle s’endorme à jamais et le laisser enfin en paix « Nous serons ensemble… » Il repensa aux techniques de méditations que son mentor lui avait transmises et sans attendre il sortit de son abri pour venir creuser un trou dans la neige et s’y allonger (il était tellement mieux ainsi) et fit le vide dans son esprit, il entendait toujours le rire de la Voix mais rien de plus… elle semblait contrainte au silence et il espérait pouvoir un jour mourir ainsi, dans le silence…

Le sang goûtait de son nez, il se l’essuya d’un revers de main, l’air mortellement neutre et observait en face de lui le gardien de Garm qui sautait d’un pied à l’autre semblant ne pas retenir son excitation, il eut un rire tonitruant lorsqu’il vit Snae se relever :

-« Laisse tomber Fenrir je vais te vaincre comme on remet à sa place une fillette !

- Au lieu d’aboyer, attaque… »

Sa voix morne mit le chien en furie et il n’en fallut pas plus pour qu’il se mette à bondir vers lui. Comme Snae s’y attendait, ses attaques étaient désordonnées, mais d’une certaine puissance qui mit à mal le gardien du loup. Malgré ses esquives et ses coups au niveau des points vitaux du chien, cela ne sembla qu’à peine l’effleurer et Snae se retrouva de nouveau à terre. Il soupira, sa joue était en feu… il n’avait aucune envie de se battre « Ce sont les pensées d’un lâche ! »Ces mots eurent l’effet d’un coup en pleine tête. Il étouffa un gémissement et se recroquevilla sur le sol, à peine eut-il le temps de se calmer qu’on l’agrippa par les cheveux et le souleva de moitié :

-« Tu crois pouvoir t’en sortir ainsi ? Je vais faire en sorte que tu sois méconnaissable ! »

Snaeringur qui avait gardé les yeux fermés jusqu’alors les ouvrit brusquement et c’est une voix grave et moqueuse qui répondit à son adversaire :

-« Je t’en pris, je te retourne la faveur… »

Aussitôt il se leva en un saut rapide avant de faucher les jambes de son adversaire qui s’écrasa à son tour, il ne prit que quelques secondes pour se pencher sur lui et lui retourner le bras dans le dos. Il commença à appuyer de plus en plus sous les cris du gardien :

-« Avoues ta défaite !

- Je me rends, je me rends ! »

Sans un mot il le lâche a et le regarda alors qu’il ramenait son bras contre son torse et qu’il tentait, tant bien que mal, de récupérer son souffle. Snae eut un sourire presque fou lorsqu’il donna un coup dans la tempe de son « compagnon d’arme » :

-« La prochaine fois tu sauras ménager ton arrogance… »

La Voix le guidait vers la fin du champ d’entraînement lorsqu’il réussit à refaire surface. Il trébucha presque en se retournant vivement vers le centre de la cours et tenta de revenir sur ses pas tout bafouillant d’excuses… Garm ne lui en laissant pas le temps en le dévisageant, les yeux mi terrifiés mi haineux, il lui hurla :

-« T’es mort Fenrir ! »

Snae s’arrêta d’un coup et se rendit compte que les autres personnes présentes sur le champ les regardaient désormais. Sans attendre son reste il se retourna et fuya. Il ne prit conscience de ses gestes seulement en face de sa forêt. Quel lâche avait-il été ? Fuir ainsi et battre une personne qui devait être un ami… il allait en recevoir les conséquences il en était sûr… Il leva la tête et observa avec désespoir le ciel couvert le surplombant… les nuages le rendaient uni et complètement plat, une sorte de grosse couverture de coton au-dessus de leur tête :

-« Je crois bien que venir ici était une erreur maître… »

Et c’est la tête basse qu’il se glissa entre les arbres pour disparaître dans la brume, toujours avec les échos du rire de la Voix dans la tête…